Eugène essaie de convaincre ses auditeurs d’aller se confesser, en leur faisant comprendre que plus ils repoussent cette idée, plus ce sera difficile. J’ai choisi ces deux extraits parce qu’ils donnent à voir les images qu’utilisait Eugène dans ses sermons, à partir de l’expérience quotidienne de ses auditeurs.
Pour moi je sais que plus vous tarderez, moins il vous restera d’espoir de revenir sincèrement à Dieu. Les difficultés croîtront sans cesse et vous mourrez dans votre péché.
Voyez ce pauvre homme qui en allant au marché a égaré sa bourse; aussitôt qu’il s’en aperçoit il se désole, il en perd l’appétit, personne ne peut le consoler, il donnerait de son sang pour la retrouver. Cette perte lui paraît irrémédiable. Il se trompe: le temps l’adoucit tous les jours, il reprend petit à petit sa première gaieté; il finit par n’y plus songer.
…Chrétiens, j’en appelle à vous-mêmes, n’est-ce pas là ce dont vous avez fait la triste expérience? Peut-être en êtes-vous venus à ce point d’endurcissement que la parole de Dieu retentit en vain à vos oreilles par l’obstination que vous mettez à lui fermer l’entrée de votre cœur. Vous ressemblez peut-être à ces hirondelles qui s’étant réfugiées dans un clocher, au premier son qui se fait entendre sortent épouvantées ne sachant quel parti prendre, mais revenues ensuite de leur première frayeur elles se rapprochent insensiblement de la tour, enfin elles y rentrent, et s’accoutument au bruit dont elles avaient été d’abord si troublées, elles y établissent de nouveau leur demeure, et y font même leur nid.
… Je crois, mes frères, vous avoir donné des motifs plus que suffisants pour vous déterminer à ne pas vous refuser plus longtemps à un précepte dont la violation entraînerait votre perte éternelle.
Instruction familière sur la confession, prêchée en provençal, le quatrième dimanche de carême, [28 mars] de l’année 1813 E.O. XV n. 115
« Venez, je vous ai donné des motifs plus que suffisants pour vous déterminer. » Si Eugène fait entendre si fermement aux gens les motifs d’une absolue nécessité de conversion, il évoque aussi deux des difficultés qui peuvent entraver le retour vers Dieu.
Il va d’abord attirer l’attention sur l’usure du temps qui passe. Le temps qui dissipe souvent l’émotion première ressentie lors d’une prise de conscience profonde. Avec l’adoucissement des pertes et le goût de la vie revenus au fil des jours, ce qui avait paru un moment tellement essentiel peut soudain revêtir une importance tellement relative qu’on finit « par n’y plus y songer ».
Puis vient la menace d’une accoutumance qui peut finir par changer la perception d’un danger bien réel. Une situation devant laquelle on ne savait « quel parti prendre » apparaît alors comme inoffensive… Et on adopte l’attitude de l’autruche qui se cache la tête dans le sable pour ne rien voir.
Qui n’a jamais vécu une de ces résolutions qu’on prend avec tellement de cœur mais qu’on a par la suite tant de peine à concrétiser ?
Alors, « quel parti prendre » devant nos besoins de conversion toujours présents ? Pourquoi ne pas les porter dans la prière, en faire l’objet d’une réflexion sérieuse et le cas échéant, les partager avec une personne sûre qui va nous aider à y voir plus clair ? Cela demande de la foi, cela demande de la confiance… Cela s’appelle aussi « une communion ».