Le jeune Bourrelier était malheureux parce qu’il se considérait moins utile que ceux qui l’entouraient. Là, Eugène l’encourageait en faisant ressortir que tout ce qu’on lui demandait de faire dans la maison, comme un service à la communauté et sa Règle, était une invitation à chercher la présence de Dieu. Vivre pleinement le moment présent pour Dieu, « avec son cœur et son âme », était une assurance de salut.
Que de choses j’aurais à vous dire sur la peine que vous me témoignez de n’être pas utile. Quelle erreur!
Si l’obéissance me plaçait à la porte pour l’ouvrir et la fermer aux allants et aux venants je m’estimerais très heureux et je croirais, non sans raison, mon salut plus assuré qu’à la place que j’occupe bien forcément et contre mon gré. On fait toujours assez quand on ne fait que ce que l’obéissance prescrit. Il ne s’agit que de le bien faire, non seulement extérieurement, mais de cœur et d’âme, dès lors on ne peut qu’être sauvé.
Ainsi, mon cher ami, cessez d’avoir la moindre peine à ce sujet…
Lettre à Hilarion Bourrelier, 19 septembre 1821, EO VI n. 72
« Laissez votre seule évaluation de valeur dériver de la conscience de l’amour de Dieu pour vous. Toute autre mesure vous laisse dans un état d’illusion. » Anonyme
Dans sa lettre du 27 août 1821 à Hilarion Bourrelier, le supérieur ne mâchait pas ses mots :« Quand je vous proposai à Mgr l’Archevêque pour l’ordination, je le prévins que vous étiez profondément ignorant, qu’il ne serait pas possible de vous faire subir le moindre examen, que vous ne pourriez pas, en un mot, non seulement être prêtre mais simple élève hors d’une communauté… »
Pouvait-on prétendre que l’impact de tels propos disparaîtrait en quelques jours ? De plus, n’est-il pas est un fait que notre appréciation de nous-mêmes se mesure souvent par comparaison aux autres ? D’après moi, rien de plus humain pour le P. Bourrelier que de déconsidérer son rôle dans la Congrégation ! Mais aussi rien de plus beau que la confiance dont il continue à faire preuve envers le Fondateur !
Confidence pour confidence. Eugène se plierait de bon cœur à tout service, si humble soit-il, que lui imposerait l’obéissance et de plus, il serait assuré d’y trouver une paix du cœur supérieure à celle que lui donne « la place [qu’il] occupe bien forcément et contre [son] gré. Et d’ajouter : « On fait toujours assez quand on ne fait que ce que l’obéissance prescrit ».
Tout comme l’Oblat. le chrétien s’engage à marcher sur les traces de Jésus. Dieu ne mesure pas nos actes à l’aune de la productivité. Seul compte pour lui ce qui s’accomplit de bon cœur en total accord avec la vocation librement consentie.