Nous avons souvent aperçu l’affection paternelle spéciale d’Eugène pour les membres de sa Congrégation de la Jeunesse qui sont devenus Oblats. Le nouvel ordonné Jacques Marcou s’est ainsi démarqué comme ayant été un membre-fondateur de cette Congrégation, onze ans plus tôt. En s’adressant à lui par son surnom, Eugène se réjouit de son ministère :
Mon bon Marchetto, je t’embrasse bien tendrement et je me réjouis de te voir t’acquitter avec tant de zèle de ton saint ministère…
Sois humble et tu feras beaucoup de bien; tu sais que c’est aux humbles que le Seigneur dat gratiam [ed. Jc 4, 6: Dieu résiste aux orgueilleux, et il accorde sa grâce aux humbles]. Le plus habile d’entre nous et d’entre tous les hommes n’est par lui-même qu’un airain sonnant et une cymbale retentissante, c’est le bon Dieu qui fait tout et à qui seul tout doit être attribué; voilà de quoi nous devons tous être bien persuadés.
Lettre à Jacques Marcou, 27 janvier 1824, EO VI n. 128
« La joie chrétienne vient du fait de connaître Dieu et d’essayer de suivre la volonté de Dieu. La joie signifie se réjouir en Dieu. Mais nous pouvons voir à partir du Magnificat que lorsque Marie se réjouit en Dieu, elle célèbre du même coup l’action libératrice de Dieu dans l’histoire. Marie se réjouit en un Dieu qui est fidèle envers le pauvre. Notre service envers les autres doit être enveloppé dans cette joie. » Gustavo Gutierrez
Chez Eugène de Mazenod volonté de Dieu et attention aux autres se confondent. Famille, amis, confrères et habitants des campagnes provençales sont témoins de cette unité. Et bien sûr ses chers Missionnaires de Provence expérimentent combien leur père sait allier conseils spirituels, remarques parfois très directes et tendresse.
« Mon bon Marchetto », écrit Eugène à Jacques Marcou, un des membres-fondateur de la Congrégation de la Jeunesse, ordonné prêtre en 1823. (Je ne peux m’empêcher d’imaginer mon attendrissement à la lecture d’une lettre qui débuterait par le surnom que me donnaient mes parents !)
«… Je t’embrasse bien tendrement, continue le Supérieur, et je me réjouis de te voir t’acquitter avec tant de zèle de ton saint ministère… » Approbation lumineuse tout autant que les conseils qui vont suivre. « Sois humble et tu feras beaucoup de bien… » Humilité certes mais aussi reconnaissance pour le bien qui sera accompli au nom du Seigneur.
Nous voici loin du sentiment débilitant que plusieurs d’entre nous ont vécu. « Je ne suis que cendre et poussière », nous affirmait-on. Alors, toute pensée de satisfaction devenait presque automatiquement péché d’orgueil !
Le grand David lui-même s’écriait : «Qu’est-ce que l’homme, pour que tu te souviennes de lui, et le fils de l’homme, pour que tu prennes soin de lui?» (*) Mais ce qui aurait pu en demeurer au stade de l’humilité écrasante devenait chez lui reconnaissance d’une grande réalité « Tu l’as fait de peu inférieur à Dieu et tu l’as couronné de gloire et d’honneur… » (*)
Ce que ces mots semblent avoir d’exagéré continue pourtant à s’appliquer à chacun de nous. Il suffit de prendre un peu de temps pour regarder les étapes de nos vies, « Comment ai-je été capable de réaliser telle ou telle chose ? » peut-on alors se demander. S’en tenir à cela pourrait bien sûr dégénérer en auto-satisfaction frisant cet orgueil justement décrié.
Mais il existe en l’être humain une petite voix qui sait redonner à chaque chose sa juste perspective. Celle qui faisait dire à David : « Eternel, notre Seigneur, que ton nom est magnifique sur toute la terre ! » (*) , à Marie de Nazareth « le Puissant fit pour moi des merveilles.» Celle aussi qui fait monter en nous l’action de grâce pour une vie parsemée d’épreuves, de faux pas mais aussi de relèvements et de joie. Une vie dont on entend souvent dire : « Sans la foi, jamais je n’aurais pu traverser cela ! »
(*) Ps. 8