En commençant sa retraite, Eugène se propose de faire un examen minutieux de sa vie et de sa conduite. Il est intéressant de voir qu’il veut faire cela sous le regard de l’espérance – par le biais des lunettes de ce que l’amour de Dieu lui réserve.
Douce espérance m’aurais-tu abandonné? Que vais-je devenir si tu ne soutiens ma foi, si tu ne tempères ce qu’elle m’apprend des rigueurs de la Justice de mon Dieu. Reviens, reviens en moi et sois toujours ma compagne fidèle dans la recherche exacte que je vais faire de mes innombrables infidélités,
dans les réflexions auxquelles je vais me livrer pendant cette retraite sur les devoirs sacrés de mon état, sur les redoutables fonctions qui m’ont été confiées, sur le compte terrible que le Souverain Juge me demandera de mon administration.
Notes de retraite, Mai 1824, EO XV n. 156
Il approche cette retraite non pas avec un esprit de condamnation morbide et remplie de culpabilité, mais dans un esprit d’optimisme confiant en l’amour de Dieu qui l’appelle à faire mieux.
« Nous aussi nous sommes appelés à nous retirer, à certains intervalles, dans un silence plus profond et la solitude avec Dieu… non pas avec nos volumes, nos idées et nos mémoires, mais complètement dépouillé de tout, pour demeurer amoureusement en présence de Dieu – silencieux, dépouillé, dans l’attente et sans mouvement. » Mère Térésa de Calcutta
Retraite 1824.
Pour la plupart d’entre nous, retraite égale révision de vie. Pour la « retraiter différemment » comme le faisait remarquer un conférencier.
Pour Eugène c’est le moment de réaliser combien ses obligations de Vicaire général et de Fondateur des Missionnaires de Provence ne lui laissent aucun répit pour sa vie spirituelle. Et la tiédeur qui l’envahit, il craint de la voir se transformer en indifférence.
Aucun danger pourtant de ce côté, aucune tiédeur dans les pensées d’Eugène. Il ne peut évoquer avec plus d’emportement les « devoirs sacrés de [son] état… les redoutables fonctions qui [lui] ont été confiées [et] le compte terrible qu’il aura à rendre au « Souverain Juge ». Quelle grâce de pouvoir nommer aussi nettement les émotions qui l’agitent !
Et combien plus consolant encore de pouvoir considérer toutes ces choses dans la perspective de l’espérance divine qui l’a accompagné jusque là ! « « Douce espérance, m’aurais-tu abandonné ? » écrit-il. Aucun doute, aucune trace de désespoir dans cette supplique… Plutôt la prière d’un enfant désorienté appelant au secours.
Il est dans toute vie des moments où la ferveur semble vouloir faire place à la détresse. C’est le temps du bilan. Le moment de rendre leur juste place à tant de choses qui nous désolent et à l’amour d’un Dieu Père qui ne demande à ses enfants rien qui soit au-dessus de leurs propres forces.