La nouvelle communauté de Nîmes s’était engagée à mener une retraite pour les prisonniers. C’était là une entreprise délicate. Eugène exprime des doutes concernant l’habileté de la communauté en place pour mener cela à bien, parce qu’ils n’avaient pas suffisamment de temps pour s’y préparer adéquatement. Il suggère donc qu’ils y impliquent les talents d’autres Oblats de façon à lui assurer du succès.
En réalité, c’était là un principe auquel Eugène recourait fréquemment en établissant les équipes de prédication pour les missions paroissiales. Il essayait de mettre ensemble des hommes de diverses communautés qui pourraient assurer le succès d’une mission prêchée en particulier. Le principe que chaque communauté (et chaque individu) pouvait constituer un « empire » pastoral indépendant et replié sur soi était étranger à l’esprit d’Eugène. Tout était une entreprise de Congrégation.
Je trouve que cette retraite aux prisons a été consentie un peu légèrement. Il fallait se mettre en mesure de la faire réussir. N’avez-vous pas vu que vous vous exposiez à ce que ceux qui viendront après se chargeassent de refaire votre ouvrage, si, pour l’avoir entrepris sans les moyens suffisants pour réussir, la grâce n’y coopérait qu’avec mesure.
A mon avis, pour entreprendre cette oeuvre avec prudence, il aurait fallu vous adjoindre, à vous qui instruisez bien et qui avez l’art de toucher, quelqu’un des nôtres à qui Dieu eût départi le don d’entraîner. J’aurais donc appelé notre p. Suzanne; avec vous et lui, notre p. Honorât eût bien fait. Seul avec vous, quelque chose laissera à désirer; et, supposé même que le bien se fasse, il ne se fera pas comme il conviendrait que cela fût dans une première oeuvre éclatante dans un diocèse où nous paraissons pour la première fois.
Si vous y êtes encore à temps, écrivez-en à Marseille, pour savoir s’ils seraient en mesure de vous seconder. Combinez d’ailleurs tout pour le mieux; mais en cela, comme dans toutes les résolutions que vous serez dans le cas de prendre, mettez toujours dans la balance non seulement le bien qui se présente à faire, mais la manière dont il nous est possible de le faire et notre position.
Lettre à Pierre Mie, 19 juin 1825, EO VI n. 183
« L’interdépendance est et doit être l’idéal de l’homme, autant que l’autosuffisance. L’homme est un être social. » Mahatma Gandhi
Juin 1825. À Nîmes, la toute nouvelle communauté démarre sur les ‘’chapeaux de roue’’.
La retraite pour les prisonniers, si vitement décidée inquiète Eugène de Mazenod. « Il fallait, écrit-il au P. Mie, se mettre en mesure de la faire réussir… il aurait fallu vous adjoindre, à vous qui instruisez bien et qui avez l’art de toucher, quelqu’un des nôtres à qui Dieu eût départi le don d’entraîner. »
En faisant appel à leurs confrères, ceux qu’on appelle maintenant les Oblats de Saint-Charles étaient assurés de trouver non seulement les complémentarités nécessaires mais aussi la joie de se retrouver ensemble dans cet esprit de famille si cher au Fondateur. Le sentiment d’appartenance à la même Congrégation ne pouvait ainsi que s’en trouver renforcé.
« Si vous y êtes encore à temps, écrivez-en à Marseille, pour savoir s’ils seraient en mesure de vous seconder. », conseille encore Eugène au P. Mie.
Les Oblats de Saint-Charles obtiendront-ils l’aide souhaitée ? Quoi qu’il en soit, il est fort à parier qu’ ils pèseront dorénavant « non seulement le bien qui se présente à faire, mais la manière dont il …est possible de le faire ». Et qu’ils auront conscience de pouvoir trouver auprès des leurs les talents nécessaires pour contribuer au succès de leurs missions futures.
Une sagesse qui vaut son pesant d’or !