CRÈME GLACÉE ET MORTIFICATION DE CARÊME

Ses écrits de jeunesse nous montrent qu’Eugène aimait la crème glacée italienne. Ici, il est un peu écorché en voyant les autres prêtres  y prendre plaisir, alors qu’il avait pris la résolution de s’en priver durant le carême. Nous avons ici un aperçu de son jeûne de carême. Ce texte se trouve dans son journal personnel et reste confidentiel.

Le soir, il y a eu grande réception chez l’ambassadeur de France, à l’occasion de la promotion du cardinal de Latil. L’ambassadeur d’Espagne a tenu sa porte fermée, il en coûte moins ainsi. Les deux cardinaux romains recevaient chacun dans leur couvent. C’était un brouhaha de voitures qui roulaient d’un cardinal à l’autre; heureusement que les illuminations et les feux de joie éclairaient de manière à pouvoir faire éviter le danger d’être écrasé. Je parus un instant chez l’ambassadeur en l’honneur de notre cardinal, car je ne vais jamais le soir dans ces grandes assemblées. Je me suis retiré bientôt après dans mon couvent, contristé d’avoir vu de mes yeux grand nombre de personnes, voire même des prêtres, s’appliquer de bonnes glaces sur la conscience, malgré le jeûne du carême; il est possible que les glaces doivent être comprises parmi les liquides qui ne rompent pas le jeûne: elles se fondent en effet dans la bouche; mais, à mon avis, elles offensent cruellement l’esprit de mortification, dont on ne devrait pas s’écarter si aisément dans ce saint temps. J’avoue que le jeûne me coûterait moins si je prenais le matin une bonne tasse de chocolat, l’après-dîner une tasse de café, sur le soir une glace précédée, une heure avant, d’un verre de limonade, enfin la collation. Il s’en faut que je m’en accorde autant les jours de fête, fût-ce même le jour de Pâques.

Journal romain, le 13 Mars 1826, EO XVII

 

“La crème glacée est exquise – quelle pitié, elle n’est pas illégale.”     Voltaire

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1 réponse à CRÈME GLACÉE ET MORTIFICATION DE CARÊME

  1. Denyse Mostert dit :

    Journal romain, le 13 Mars 1826.

    À l’ambassade de France on fête dignement la promotion du cardinal Latil. Pour leur part, les deux cardinaux romains reçoivent dans leur couvent respectif. « C’était un brouhaha de voitures qui roulaient d’un cardinal à l’autre; heureusement que les illuminations et les feux de joie éclairaient de manière à pouvoir faire éviter le danger d’être écrasé», raconte Eugène. Et sa présence chez l’ambassadeur va se limiter au temps exigé par la bienséance.

    On ne sait s’il réprouve ces mondanités tellement opposées à l’esprit de pénitence des semaines de Carême ? Sa description du « brouhaha de voitures, illuminations et feux de joie » pourrait révéler une certaine réprobation… Aucune imprécision par contre sur les plaisirs gastronomiques offerts aux invités. Et il se retire dans son couvent, contristé d’avoir vu de ses yeux « grand nombre de personnes, voire même des prêtres, s’appliquer de bonnes glaces sur la conscience, malgré le jeûne du carême… »

    Pas de commune mesure, pourrait-on penser, entre le déploiement mondain et la douceur toute innocente d’une simple crème glacée ! Tout au moins en apparence. Les deux ont cependant le même rapport étroit aux pénitences de ce temps liturgique. Que soit soulignée dignement la promotion d’un cardinal peut se comprendre comme une action de grâce pertinente… Faut-il y voir en plus l’opportunité de transgresser le temps d’une soirée le strict commandement du jeûne pénitentiel ? Eugène de Mazenod me semble faire la différence entre un devoir mondain somme toute pas désagréable et l’opportunité d’user et d’abuser en temps inopportun de gâteries qu’on retrouvera d’ailleurs le jour de Pâques.

    On sait tous que, pour le Fondateur, donner c’est donner tout à fait, sans escompter le moindre profit pour lui-même. Nous voici loin d’un certain arrivisme qui joint à bien des comportements l’espoir d’un avantage personnel. Rappelons-nous d’ailleurs cette parole de Jésus : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mathieu 10,8)

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