Le Père Tempier envoya, au début de l’an 1826, une lettre dimissoriale pour l’ordination des Frères Martin et Richaud. Mgr Arbaud répondit durant le mois de mars, que ces personnes, natives de Gap, doivent prendre l’engagement de retourner dans leur diocèse s’ils laissaient la Société ou si le dernier (Michaud) se retirait de Notre-Dame du Laus.
…Je ne comprends pas la conduite de l’Évêque de Gap; j’ai tremblé quand j’ai vu la concession que vous vous disposiez à lui faire . Y pensez-vous? Nous ne le pouvons pas en conscience, vous ne vous êtes donc pas encore pénétré de ce que nous sommes, nous ne le pouvons pas.
Maintenant que les Oblats sont approuvés par le Pape comme congrégation religieuse, ils ont un statut qu’aucun évêque ne peut toucher ou changer.
Dans aucun cas, il ne vous est permis de perdre les sujets de la Congrégation. Si les sujets sortent de la Société, qu’ils rentrent de droit dans son diocèse; mais supposé que nous nous retirions de son diocèse, ce que certainement nous n’avons pas l’intention de faire, nous n’aurions pas pour cela le droit de faire sortir de la Société les membres qui seraient par hasard les diocésains de cet Évêque. Bornez-vous donc à lui dire que, pour l’avenir, s’il s’oppose à ce que ses diocésains viennent dans notre Société, nous ne les recevrons pas; mais que ceux qui sont déjà membres de la Congrégation ne peuvent pas faire de déclaration qui serait nulle de plein droit comme étant contraire aux vœux approuvés par l’Église, lesquels les assimilent à tous les autres membres des Congrégations religieuses qui sont dans l’Église, et dont certainement Monseigneur n’aurait pas l’idée d’exiger une pareille déclaration. Elle serait contraire à toutes les lois canoniques.
Lettre à Henri Tempier, le 9 Avril 1826, EO VII n 235
Aujourd’hui, notre Règle de Vie en fait écho : Règle 7d: “La fidélité à notre vocation oblate doit nous guider dans nos entreprises missionnaires et dans l’acceptation des tâches pastorales.” CC&RR
Les tractations avec les évêques locaux se font par contrat entre eux et les Oblats: “ Il appartient au Supérieur général en conseil d’accepter une nouvelle Mission et d’approuver les contrats généraux entre une Province et l’Ordinaire du lieu.” CC&RR, Rule 7e
Rome, lettre à Henri Tempier, le 9 Avril 1826
Maintenant que c’est chose faite, on peut supposer que tous les Oblats de Marie Immaculée connaissent les tenants et les aboutissants d’une approbation pontificale. Il semble pourtant qu’Eugène doive les rappeler clairement devant l’exigence insolite de l’évêque de Gap.
Un brin d’Histoire permet de constater que ‘’le torchon brûle’’ entre Mgr Arbaud et les Oblats. Le diocèse de Gap est rétabli en 1823. « D’abord en bons termes avec les Oblats, l’évêque ne cessa ensuite de leur créer des difficultés. Gallican et janséniste, il contesta l’approbation romaine de la Congrégation en 1826 et surtout l’enseignement moral des confesseurs et prédicateurs oblats. » (*)
Pour l’heure, tout en donnant son accord pour l’ordination en-dehors de son diocèse de deux jeunes hommes relevant de sa juridiction, Mgr Arbaud exige qu’ils lui reviennent s’ils quittaient la Congrégation ou si l’un d’eux, Mr Richaud, venait à quitter la communauté de Notre-Dame-du-Laus.
Grâce au ciel, selon sa bonne habitude, Henri Tempier a mis son supérieur au courant de l’exigence de l’évêque ! La réaction d’Eugène ne se fait pas attendre : «J’ai tremblé, écrit-il, quand j’ai vu la concession que vous vous disposiez à lui faire. » Pour ajouter avec ce qui semble une pointe de tristesse : «…Vous ne vous êtes donc pas encore pénétré de ce que nous sommes… »
Ce que sont maintenant les Oblats ? Une Congrégation de droit ecclésial au même titre que toutes celles qui ont, comme elle, reçu pleine et entière approbation papale. Quel soulagement pour le Fondateur de pouvoir évoquer une liberté d’action si nécessaire et si durement acquise ! Parions qu’il ne va pas s’en glorifier inutilement et que les missionnaires vont y acquérir sérénité et liberté d’esprit dans leur mission auprès des plus pauvres.
N’est-il pas en effet plus profitable de s’adonner en toute tranquillité d’esprit à une action mûrement réfléchie que de l’exercer tout en redoutant les ‘’bâtons dans les roues’’ qui pourrait venir l’entraver ?
(*)http://www.omiworld.org/dictionary.asp?v=6&vol=1&let=N&ID=369