Voyageant vers la France en lente diligence, Eugène écrit de Milan à sa famille Oblate: il y pria sur la tombe du saint patron de la famille de Mazenod, St Charles Borromée.
J’ai arrêté ma place pour jeudi matin; je serai à Turin vendredi soir, ou au plus tard samedi matin. Mon premier soin sera de courir à la poste pour y chercher les lettres que vous avez dû m’y adresser et qu’il me tarde de recevoir, car il y a bien longtemps que je suis privé des nouvelles de la famille. J’espère que vous vous portez tous bien… Il est temps, en vérité, que je vous revoie. Je n’ose pas me dire à moi-même depuis combien de temps je vis éloigné de vous tous. Si je l’avais considéré avant de partir, j’aurais eu beaucoup de peine à me déterminer à entreprendre un voyage si long.
S’il s’était limité aux seules considérations humaines, et s’il avait su les nombreuses et longues difficultés qu’il aurait eu à affronter à Rome, il n’aurait jamais eu le courage d’entreprendre cette tâche. Alors, Dieu l’a conduit doucement, étape par étape et Eugène avait accompli tout ce qui était nécessaire.
Le bon Dieu ménage notre faiblesse, en nous conduisant insensiblement à ses fins. Jusqu’à présent, il est impossible de mieux réussir sous tous les rapports…
Il fait écho à l’expérience de St Paul:” “Ma grâce te suffit ; ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse.” (2 Corinthiens 12:9)
Du reste, le bonheur de presser mes amis, mes frères, mes enfants sur mon cœur me tient lieu de tout sur la terre. Je vous embrasse tous dans ces sentiments; j’embrasse mon oncle, maman, ma sœur et ses enfants. Je me suis occupé de vous tous ce matin auprès de saint Charles, j’y retourne à l’instant. Adieu, nous ne sommes plus si loin que lorsque j’étais à Rome. Adieu.
Lettre à Henri Tempier, le 14 Mai 1826, EO VII n 240
“Prier n’est pas demander. C’est une aspiration de l’âme. C’est l’admission quotidienne de sa faiblesse. Mieux vaut en priant avoir un cœur sans parole qu’une parole sans cœur.” Mahatma Gandhi
En route vers Turin – Le 14 Mai 1826 – Lettre à Henri Tempier
Première étape du retour franchie. À Milan, Eugène peut prier sur la tombe de saint Charles Borromée, le protecteur des de Mazenod. Le prochain arrêt se fera à Turin. Si la diligence grignote petit à petit la distance qui le sépare des siens, elle n’émousse nullement une impatience qu’il ne cherche nullement à dissimuler. « Il est temps, en vérité, que je vous revoie, écrit-t-il. Je n’ose pas me dire à moi-même depuis combien de temps je vis éloigné de vous tous. »
Et voici que passé et présent semblent se disputer ses réflexions. Comme beaucoup d’entre nous, il se laisse interroger par le ‘’si j’avais su !’’, cette fameuse locution dont on ne sait trop si elle est porteuse de triomphe ou, plus fréquemment encore, de regret. Lui reviennent alors à l’esprit tous les obstacles qu’il lui a fallu franchir pour détenir enfin la très officielle approbation papale. Parlant de lui-même à la 3ième personne (reliquat de certains entretiens romains?) il en conclut : « S’il avait su les nombreuses et longues difficultés qu’il aurait eu à affronter à Rome, il n’aurait jamais eu le courage d’entreprendre cette tâche ! »
On voit mal le Fondateur s’arrêter à ruminer les problèmes rencontrés dans la Ville Sainte ou encore se féliciter longtemps de sa propre détermination. Rien d’étonnant donc à ce que ces pensées le mènent directement à Dieu qui « l’a conduit étape par étape ». Et il peut donc conclure tranquillement : « Le bon Dieu ménage notre faiblesse, en nous conduisant insensiblement à ses fins. Jusqu’à présent, il est impossible de mieux réussir sous tous les rapports… » Saint Paul avant lui ne s’était-il pas lui aussi écrié : «Ta grâce me suffit… » ? Et Eugène s’en retourne « prier auprès de saint Charles » où il va pouvoir partager plus étroitement avec les siens l’allégresse trop grande pour lui seul.
Qu’il est bon ce passé qui sait se faire présent pour nous rappeller nos faiblesses mais surtout l’amour de celui que nous appelons l’Emmanuel, ‘’Dieu avec nous’’ !