Plus tôt, Eugène avait annoncé ses plans de voyage en terminant cette affaire avec M. Fabre à Chambéry
Mon projet est de rentrer par Grenoble, et d’arriver à Gap où je verrai Monseigneur et visiterai ensuite notre maison du Laus.
Lettre à Henri Tempier, le 30 Mai 1826, EO VII n 246
Je brûle du désir de retourner dans le sein de la famille; un jour de retard me pèse au point que. Dieu me pardonne! j’ai hésité de ne pas aller à Annecy ; mais, bien sûr, je ne monterai pas à la grande Chartreuse, quoique cette course ne dût me prendre qu’un jour. Dieu veuille que je trouve une voiture pour demain; je suis indécis parce qu’on me demande 12 francs, tandis que lundi j’en serais quitte pour 4 francs. L’esprit de pauvreté combat tous mes autres sentiments. Que la journée va me paraître longue, si je renvoie à lundi!
Adieu, cher Père et tendre ami, je vous embrasse et tous nos Pères et toute la famille.
Lettre à Henri Tempier, le 10 Juin 1826, EO VII n 248
Ses plans furent coupés court, comme nous le dit Yvon Beaudoin dans une note de page à cette lettre: “À son retour de Chambéry, le Fondateur reçut une lettre du Père Tempier qui l’informait de la maladie du Père Suzanne qui aux prises avec de violents accès de crachement de sang. Le Père de Mazenod, frappé d’un dur sinistre, renonça à son voyage prévu à Annecy et retourna immédiatement à Aix, sans s’arrêter à Gap ou à Notre-Dame du Laus. Cf.: REY, I, 394”
Alors se termine la narration de cet important voyage d’Eugène à Rome,
“Tel un conte, ainsi est la vie: non pas sa longueur, mais sa bonté; c’est ce qui importe.” Lucius Annaeus Sénèque
Lettre à Henri Tempier, le 10 Juin 1826
Eugène de Mazenod fait part de sa feuille de route au P. Tempier : Grenoble, le Gap pour rencontrer l’évêque et bien sûr visiter la maison oblate du Laus.
Sa hâte de retrouver les siens devient de plus en plus palpable. Deux choix de voitures s’offrent à lui. On le voit considérer non seulement la différence de prix mais aussi la date de départ. « Que la journée va me paraître longue, si je renvoie à lundi ! » confie-t-il à son ami. «L’esprit de pauvreté » va-t-il l’emporter sur une impatience par ailleurs bien légitime ?
Un courrier d’Henri Tempier coupe court à toute hésitation : Marius Suzanne est au plus mal. « De violents accès de crachement de sang » font craindre le pire. Balayées d’un seul coup les hésitations au sujet du retour, annulées les visites prévues ! Animé d’un sombre pressentiment, Eugène ne désire plus qu’une chose : se retrouver au chevet du jeune Père. Craintes d’ailleurs bien fondées. De Rome déjà, il écrivait le 30 mars à Henri Tempier « «Je crains, le 30 mars, que le père Mye et le père Suzanne surtout, qui prend les choses avec vivacité, ne s’en ressentent. Il faut tout faire pour éviter d’abîmer des ouvriers de cette trempe». (*)
Triste arrivée en vue pour un père qui se faisait une joie de se retrouver parmi les siens ! Consolations ? On pourrait toujours invoquer la soumission à la volonté de Dieu… Mais qui a dit que le ’’fiat’’ supprimait toute souffrance humaine ?
Nul besoin d’épiloguer davantage sur les sentiments d’Eugène de Mazenod. En même temps que s’arrêtait la relation du voyage de retour, on peut penser qu’il a laissé déborder le trop-plein de son cœur devant le Seigneur et qu’il en a reçu la force de faire face avec les Oblats de Marie Immaculée à l’épreuve qui l’attendait à Aix.
(*) http://www.omiworld.org/dictionary.asp?v=6&vol=1&let=S&ID=483
Correction :
« De Rome déjà, il écrivait à Henri Tempier « «Je crains que le père Mye et le père Suzanne surtout, qui prend les choses avec vivacité, ne s’en ressentent. Il faut tout faire pour éviter d’abîmer des ouvriers de cette trempe».