Eugène a écrit à propos de son expérience du Vendredi Saint sept ans après l’évènement. Entre temps, il avait étudié au séminaire, été ordonné et vécu trois ans de ministère. Le souvenir de l’évènement était encore tellement puissant pour lui… Il exprime le cœur de son expérience avec les termes de Saint Augustin.
A quoi bon en dire davantage? Pourrai-je jamais rendre ce que j’éprouvai alors? Le souvenir seul me remplit le cœur d’une douce satisfaction.
J’ai donc cherché le bonheur hors de Dieu, et je n’ai trouvé hors de lui qu’affliction et chagrin.
Notes de retraite, décembre 1814, E.O. XV n.130
Indescriptible en effet cette ‘’expérience du Vendredi Saint’’! De tels moments de prise de conscience s’inscrivent dans une aventure spirituelle tellement personnelle que les mots n’arriveront jamais à la traduire.
Ce moment privilégié devant la Croix a été pour Eugène l’orientation définitive de toute sa personne. La découverte du vide de sa vie passée et l’indicible présent où l’amour du Christ se révèle à lui vont façonner désormais le missionnaire exceptionnel que nous avons appris à connaître.
On connaît ce Pharisien de l’Évangile tout convaincu de sa ‘’bonne vie’’. « Je te rends grâce, disait-il à Dieu, de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes. » Et il énumérait tranquillement ses bonnes œuvres et se félicitait de son obéissance ponctuelle à la loi. Il est une période de ma vie pendant laquelle j’agissais dans l’esprit même de ce ‘’pratiquant’’ sans reproche apparent. ‘’ Je n’ai pas tué, je n’ai pas volé, je fais ma religion… ‘’ aurais-je pu affirmer alors que je vivais une grande sécheresse spirituelle.
Depuis bien des années je ne cesse de rendre grâce à Dieu de m’avoir fait comprendre qu’il se laisse rencontrer, non seulement dans nos célébrations ponctuelles mais aussi et surtout dans les moments les plus humbles de notre quotidien.