Si je parle de l’élément central d’une spiritualité en faisant référence à une expérience déterminante de Dieu, certains me répondront qu’ils n’ont jamais fait l’expérience de Dieu. Par «expérience», je ne parle pas d’une apparition ou d’une vision spectaculaire, mais d’un moment de prise de conscience ou d’intuition de quelque chose que je découvre, que j’éprouve ou encore que je vois de particulier; je suis d’une certaine manière en présence de quelque chose de sacré. Parfois, ce n’est qu’en revenant en arrière que je reconnais ce qui s’est passé. Plus j’y pense, plus je comprends.
Sept années après son expérience de la croix du Vendredi saint, Eugène a continué de réfléchir sur ce qui s’était passé : comment la vue de la croix l’avait amené à prendre conscience de l’amour de Dieu pour lui d’une façon différente d’auparavant. Il avait toujours su ce que la croix signifiait, mais cette fois la grâce de Dieu l’a touché personnellement et c’est devenu un moment déterminant dans sa vie.
C’est pourquoi j’ai choisi cet emblème ou ce symbole pour accompagner notre réflexion sur la spiritualité d’Eugène de Mazenod. Il illustre bien ce centre d’attraction qui sera pour le reste de sa vie source d’énergie.
Son but en conséquence est de tendre à voir et à comprendre tout à travers les yeux du Christ Sauveur. Le choix de la croix dans cet emblème vient de la consigne qu’Eugène donnait aux Oblats :
« Ils n’auront d’autre signe distinctif que celui qui est le propre de leur ministère, c’est-à-dire un crucifix qu’ils porteront toujours, suspendu à leur cou, pendant sur la poitrine, fixé par la ceinture et le cordon auquel il sera attaché »
Règle de 1818, deuxième partie, chapitre premier, Les autres observances.
Aujourd’hui, « notre seul signe distinctif est la croix oblate » (C 64) parce que pour Eugène de Mazenod c’était le seul signe distinctif possible.
Eugène n’oubliera jamais l’expérience d’un certain Vendredi Saint ! Hormis l’émotion qu’elle a fait monter chez lui, il ne s’était pourtant rien passé d’extraordinaire ! C’était un crucifix comme les autres. Il rappelait simplement le récit de la Passion entendu maintes et maintes fois auparavant. Aucun phénomène visible n’a été rapporté. Seulement la profondeur de pensée qui a fixé une fois pour toutes la destinée du jeune de Mazenod.
Eugène vivait ce moment où tout est possible et où aucune décision n’est facile à prendre. Il fallait un moment décisif pour que se cristallisent enfin ses aspirations. Ce sera une « secousse [tellement] extérieure » qu’elle lui fera écrire plus tard à son ami Forbin Janson. «Tout à coup je me trouve avoir mis en train cette machine, m’être engagé à sacrifier mon repos et hasarder ma fortune pour faire un établissement dont je sentais tout le prix. » Une contemplation intense de la Passion qui le conduira à tout risquer.
C’est devant un simple crucifix que sa destinée s’est jouée. C’est sur ce signe de fragilité apparente qu’il a bâti sa vie. C’est de la faiblesse du Christ que sont nés les Missionnaires Oblats de Marie Immaculée. Faut-il dès lors s’étonner que la croix soit devenue ‘’la marque’’ de toute la famille d’Eugène ?
« Ils n’auront d’autre signe distinctif que celui qui est le propre de leur ministère, c’est-à-dire un crucifix qu’ils porteront toujours, suspendu à leur cou, pendant sur la poitrine, fixé par la ceinture et le cordon auquel il sera attaché » (CC&RR 1818)
On se rappelle les remous au sujet du crucifix dans notre beau Québec. Des pour et des contre… qui se sont estompés avec le temps. Mais qui ont tout de même souligné l’importance d’une simple croix au cou ou sur les murs d’établissements publics. Bienheureuse polémique qui nous parle de Passion mais aussi du Christ toujours présent parmi nous !