JE VEUX QU’ELLE SOIT RICHE, TRÈS RICHE ET BONNE.

Leflon nous dit qu’ “Eugène va donc chercher à s’établir. Une première solution se présente, celle qu’envisage sa mère, un mariage d’intérêt qui lui permettrait de vivre noblement sur les revenus d’une dot très substantielle. C’était se conformer aux nobles traditions de l’ancienne aristocratie qui, pour masquer le caractère essentiellement mercantile de cette opération peu reluisante, recourait au beau langage de l’héraldisme : on redorait son blason.

En l’occurrence, notre chevalier n’avait d’autre idéal que d’échanger sa belle mine et sa particule contre des écus sonnants et trébuchants. Moins brutal que Mme de Grignan, il ne parlait pas de « fumer ses terres »; le réalisme de ses aveux risquerait toutefois de choquer nos contemporains, qui ne restitueraient pas sa mentalité à son milieu et à son époque, car il réduit la fondation d’un foyer à ce qu’il appelle « une affaire », il écrit même « un marché ». M. et Mme de Mazenod ne raisonnaient pas autrement, qui s’étaient unis de cette manière et que leur triste expérience n’avait point guéris d’une si funeste conception. Pour Eugène, comme pour eux, ce qui compte avant tout, c’est la fortune… Les qualités morales restent donc au second rang et au simple positif, la richesse s’inscrit au premier et au superlatif.  (Leflon I, p. 274-275)

Après cette première déconvenue, Eugène semble de plus en plus dégoûté du mariage. À son père qui l’exhorte à devenir un bon père et époux, il donne une réponse qui révèle son inconfort avec la dernière perspective:

Mais savez-vous bien que pour devenir bon mari et bon père, il faut trouver avant tout une femme qui vous convienne? Or il n’y a pas une demoiselle qui me convienne à Aix, et peut-être je ne plais à aucune. Donc je ne me marierai pas; donc je ne serai pas bon mari et bon père. Ce n’est pas que je ne désire beaucoup d’avoir de petits enfants, ma la moglie[éd : mais la femme !] , ah, c’est une terrible chose qu’une moglie. Et puis encore, c’est que je la veux très riche, richissima e buona [éd : richissime et bonne], ce qui est bien difficile à trouver. Vous voyez donc, mon cher papa, que vos souhaits risquent de couver pendant longtemps. En fait, s’ils pouvaient faire éclore des écus, passe pour ça; on fait tout ce qu’on veut avec ces diables d’écus. Je ne sais si c’est parce qu’on me prêche toute la journée qu’il faut être détaché des biens de ce bas monde, mais il est sûr que depuis quelque temps je me sens une envie démesurée d’en posséder beaucoup. Et voilà l’effet que font sur moi les sermons des dames. Je ferais de si jolies choses avec de l’argent; vous ne manqueriez jamais de rien, mes pauvres parents. Ma, perfida sorte, tanto favore non mi accordasti.  [ed : mais, perfide malheur, tu ne m’accordes pas tes faveurs].

Lettre à son père, le 10 mai 1804, Méjanes, Aix

Tous ces textes signalent et annoncent le pouvoir de l’expérience de la conversion qui attendait ce jeune homme perdu quand finalement il fut capable de se concentrer sur la Source du vrai et durable bonheur.

FRENCH

“Celui qui défend l’opinion que l’argent est capable de tout, peut très bien être soupçonné de tout faire pour de l’argent..”   Benjamin Franklin

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1 réponse à JE VEUX QU’ELLE SOIT RICHE, TRÈS RICHE ET BONNE.

  1. Denyse Mostert dit :

    Lettre à son père, le 10 mai 1804.

    Cher Eugène ! ce n’est pas la particule de noblesse qui lui manque non plus qu’un physique capable de faire tomber en pamoison quelque jeune Aixoise du cercle select qu’il fréquente…

    Pourtant, il n’apprécie nullement le portrait qu’un peintre a fait de lui. Il écrit à M. de Mazenod : « Je comptais qu’il me flatterait et il a eu le talent de m’enlaidir complètement. » Pas drôle comme constatation. Et pas tout à fait juste. Pour ma part, j’y vois d’abord un jeune homme de belle prestance au regard pensif comme s’il cherchait celle qui pourrait devenir Mme Eugène de Mazenod.

    En fait, c’est bien de cela qu’il s’agit. Encouragé par le Président toujours en Italie et une mère qui cherche frénétiquement à trouver la perle rare, comment s’exempterait le fils de cette quête obligée ?

    Eugène ne peut se contenter d’à-peu-près. Si élue il y a, elle devra d’abord apporter une dot bien solide et présenter en outre les qualités d’une future épouse et mère. D’où conclusion : « Or il n’y a pas une demoiselle qui me convienne à Aix, et peut-être je ne plais à aucune. Donc je ne me marierai pas; donc je ne serai pas bon mari et bon père. »

    Et de conclure sans vergogne : « Je ne sais si c’est parce qu’on me prêche toute la journée qu’il faut être détaché des biens de ce bas monde, mais il est sûr que depuis quelque temps je me sens une envie démesurée d’en posséder beaucoup.» Qui sont les bonnes âmes capables de lui tenir un tel discours sinon les mères de jolies mondaines à la dot insignifiante ?

    Remarquons cependant l’usage que ferait Eugène d’une hypothétique fortune : « Je ferais de si jolies choses avec de l’argent; vous ne manqueriez jamais de rien, mes pauvres parents. » Tel est le futur Fondateur des Oblats de Marie Immaculée dans la vingtaine. « Tête folle » peut-être un peu, mais certainement « cœur d’or ». Et une clarté de pensée qui le servira à merveille quand il s’agira de répondre à l’appel du Seigneur.

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