Durant les derniers siècles, existait une tendance à séparer la “vie spirituelle” d’une personne et “la vie quotidienne dans le monde réel.” Le spirituel se référait à tout ce qui concernait Dieu; et le matériel à tout ce qui était le monde. Ainsi dans la pensée populaire, nous avions des êtres spirituels qui avaient choisi la route la plus “parfaite” (les sœurs et les frères religieux, et les prêtres); et le reste de l’humanité qui avait à travailler avec acharnement dans le monde. Vatican II corrigea cette déformation en enseignant l’appel universel à la sainteté sans catégories et degrés de perfection. Les religieux consacrés, dans plusieurs cas, s’impliquaient davantage à la transformation du monde que beaucoup d’autres “dans le monde.”
Eugène, tout en en faisant partie et en employant les catégories de son siècle, comprit de façon très claire , que la sainteté, la vie spirituelle et la vie quotidienne n’étaient pas du tout séparées ou divorcées l’une de l’autre. Sa propre conversion allant de son moi comme centre à une concentration sur Dieu, le conduisit à regarder chaque personne et chaque chose et chaque action à travers les yeux du Sauveur Crucifié qu’il avait rencontré un Vendredi Saint.
Vous, vous seul serez l’unique objet auquel tendront toutes mes affections et toutes mes actions… Je ne veux vivre que pour vous, je ne veux aimer que vous et tout le reste en vous et par vous.
Notes écrites durant la retraite préparatoire à l’ordination sacerdotale,
décembre 1-21, E.O. XIV n.95
Eugène visa à vivre sa vie dans une constante prise de conscience de la présence de Dieu. Souvent dans ses écrits, il se réfère à ce but; de même ses nombreux résultats en provenance de l’action de son ministère comme prêtre, comme fondateur d’une congrégation religieuse et comme Évêque de Marseille portent un témoignage éloquent que dans sa vie et dans ses actions, il n’y avait aucune séparation entre la vie spirituelle et la vie du monde.
Un exemple tiré de sa vie passée. Dans une lettre pastorale à son diocèse, jetant un regard sur ses 10 ans de ministère comme Évêque de Marseille, il écrit:
Cette foi, que l’on croyait morte ou mourante, se réveille plus vive, plus agissante, plus féconde que dans les jours qui avaient précédé tant de violentes attaques. Elle s’était retrempée, renouvelée par la persécution, et voilà que maintenant elle reprend sa place dans le monde par la charité…
Admirez comme ces œuvres se multiplient.
Il donne alors une liste impressionnante des réalisations pour les pauvres et les plus abandonnés de la ville et il conclut:
… tous les genres de biens sont prodigués au nom de Jésus-Christ.
Mandement du 7 février 1847, Marseille
Un résultat impressionnant d’une vue du monde à travers les yeux du Sauveur Crucifié et réalisé par une mise en pratique.
“La spiritualité chrétienne est une expression quotidienne, communale, vécue, des dernières croyances caractérisées par l’ouverture d’un amour transcendant de Dieu, de soi, du voisin et du monde à travers Jésus Christ et sous le pouvoir de l’Esprit Saint. » Elizabeth Dreyer
Beaucoup ont demandé : ‘Mais qui est donc cet homme ? » Des années dites obscures, on ne sait presque rien. On sait qu’il grandissait en « âge et en sagesse », soumis à ses parents, qu’avec eux il priait le Seigneur de ses pères. Qu’un jour, sans crier gare, il quitta le Nazareth de sa jeunesse pour partir vers sa vie, celle qu’on nomme publique.
Jésus, n’est pas un homme et par moment un Dieu. Jésus c’est l’homme-Dieu qui est venu chez nous. Il n’a rien esquivé des douleurs et des joies. Il n’était que tendresse, il parlait de son Père. Il guérissait ceux qui venaient à lui avec foi, au nom du Père, il pardonnait et les pécheurs trouvaient alors une autre vie. Puis, à d’autres moments, la tristesse le gagnait devant l’incompréhension, et toute l’injustice. Il se savait cherché. Et il se dérobait avant que « son heure vienne ». Au Golgotha un soir avant la trahison son corps a demandé que le calice s’éloigne. Puis l’Amour a gagné et Dieu est donc cet homme qui s’est livré pour nous.
De ces trois années, on nous a dit Jésus vivant, mangeant, dormant avec les autres, se laissant inviter, s’en aller à la noce, et rencontrer parfois ces gens-là qu’on montre du doigt. Il est l’ami de Marthe, et celui de Marie dont il loue le travail pour qu’ils soient bien servis. Tout travail fait avec amour pour le Messie dit Dieu. Un homme parmi les hommes. Un homme qui est Dieu devant la mort prochaine. Jésus n’est pas un bonze qu’on regarde de loin.
Pourquoi, pourquoi, Seigneur, en regardant la croix ne comprenons-nous pas que tout revient au même au pays de l’amour ? Que le petit enfant qu’il faut faire dormir, ou cette tâche obscure qu’on nous a assignée, ou encore les temps où l’on est fatigué, où les Ave Maria sont la seule prière, que cette journée toute répétitive, je vais pouvoir la vivre à la façon d’Eugène qui un jour écrivait : « Cette foi, que l’on croyait morte ou mourante, se réveille plus vive, plus agissante, plus féconde que dans les jours qui avaient précédé tant de violentes attaques. »
Alors ce jour nouveau qui paraît sans couleur, tu le rendras fécond. Je le veux ce matin comme une action de grâce. Quand le moment est là d’exécuter mes tâches ou bien dans le repos, dans la joie ou encore la grisaille d’un moment, ou seule, ou avec d’autres… Seigneur, tu seras là. Jésus, vrai Dieu, vrai homme, rien ne pourra jamais me séparer de toi.
Correction : Il est l’ami de MARIE , aussi celui de MARTHE dont il loue le travail pour qu’ils soient bien servis.