Eugène était un orateur talentueux qui ne pouvait se résigner à s’arrêter à un texte tout préparé d’avance, mais parce qu’il savait exactement quelle réaction il cherchait à susciter de la part de ses auditeurs, il était en mesure de se mouvoir et d’improviser – mais toujours en partant de sa propre expérience d’essayer d’imiter le Christ Sauveur au sein de sa vie. Son biographe, Jean Leflon, écrit :
Orateur-né, le P. de Mazenod ne peut s’astreindre à débiter un discours tout fait, qui entraverait son action et lui enlèverait ses moyens. Cela ne signifie pas que ses prédications ne comportaient aucune préparation ; bien au contraire, les canevas qui nous restent prouvent que, sur chaque sujet, il accumule les documents, ordonne les matériaux, voire rédige certains passages avec le plus grand soin. Mais, une fois en chaire, il lâche ses papiers pour entrer d’une façon très directe en communication avec son auditoire, et, selon les dispositions, selon les réactions de celui-ci, modifie le plan, supprime, ajoute, recrée pour ainsi dire le fond comme la forme, dans un perpétuel jaillissement. «Il n’était jamais mieux à la hauteur de tout son talent que lorsqu’il avait à triompher d’une difficulté subitement apparue. » « Plus l’improvisation était soudaine,… plus elle était heureuse; plus le coup était vigoureux, plus le succès était assuré », écrit un bon juge, l’ancien bâtonnier du barreau d’Aix, Tavernier.
J. Leflon, Eugène de Mazenod, Évêque de Marseille, Fondateur des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée, 1782 – 1861, Volume II, p. 112 – 113
Comment le Fondateur s’y prend-il pour préparer ses propres sermons ?
Le P. Leflon écrit : « Orateur-né, le P. de Mazenod ne peut s’astreindre à débiter un discours tout fait ». Il faut avouer que cette spontanéité cadre à merveille avec ce que nous connaissons du caractère tout d’une pièce et de la spontanéité proverbiale du méridional.
Cette affirmation viendrait-elle infirmer pour Eugène la rigueur très stricte qu’il exige de ses Oblats dans la préparation des sermons ?
Ceci me rappelle une phrase entendue dans la bouche de mon père. « Faites ce que je dis, pas ce que je fais… », disait-il, avec un sourire mi-figue mi-raison qui laissait planer un doute sur le sérieux ou l’ironie de cette pédagogie contradictoire…
Ces paroles ne cadrent absolument pas avec le prêtre qui a fondé une Congrégation justement pour que les forces de chacun mises en commun apportent un relief particulier à l’œuvre des missions. Aucun rapport non plus avec l’homme aux mots spontanés, parfois choquants pour ceux à qui ils s’adressent, mais toujours empreints de la plus grande rectitude.
Oui, tout comme il l’exige de ses missionnaires, le P. de Mazenod apporte le plus grand soin à se préparer. Il sait parfaitement dans quel sens vont aller ses homélies. Et le P. Leflon, ce grand biographe d’Eugène de Mazedod, affirme : «Les canevas qui nous restent prouvent que, sur chaque sujet, il accumule les documents, ordonne les matériaux, voire rédige certains passages avec le plus grand soin. Mais, une fois en chaire, il lâche ses papiers pour entrer d’une façon très directe en communication avec son auditoire. »
« Plus l’improvisation était soudaine… plus elle était heureuse », écrit-il encore. Improvisation, si on veut, mais non fantaisie puisque le canevas de l’intervention est bâti avec le plus grand soin. Le prédicateur au cœur brûlant peut alors aller de l’avant dans une confiance totale en l’Esprit Saint.
« Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement… », écrivait un auteur du 18ième siècle. Pourquoi ne pas nous inspirer de cette maxime et prendre du temps pour apprendre à « concevoir » au mieux ce message évangélique que nous avons parfois à énoncer » ?
Nous pourrons alors nous permettre de dire avec nos mots à nous le Christ qui souvent improvise dans nos vies afin que nous puissions nous aussi « le faire connaître et aimer » « en esprit et en vérité ».