Continuant à méditer sur sa retraite, nous voyons ici la conviction d’Eugène qu’il devait « être » afin de « faire ». En évaluant le bien qui a émergé, clairement, de sa fondation de la congrégation de la jeunesse et de celle des missionnaires, il évalue la qualité de son « être » en communion avec Dieu comme la force qui donne vie à son ministère.
J’ai reconnu aujourd’hui que je ne m’étais pas trompé et que déjà quelque bien s’est opéré par mon ministère. Bien que je pourrai appeler très grand, si je considère moins ce qu’il est actuellement que ce qu’il peut produire dans la suite, si mes infidélités n’y mettent obstacle.
L’établissement de la jeunesse et celui des missions ont dû être faits par moi, parce que le bon Dieu m’avait placé dans une position propre à cela; mais combien ces choses auraient-elles été mieux, si j’y avais moins mis du mien, si j’étais plus docile à la voix intérieure de Dieu, si je travaillais davantage à ma propre perfection, du moins en me servant de tout ce qui me distrait peut-être, vu ma légèreté et ma dissipation, pour avancer au lieu de reculer. C’est à quoi il faut que je parvienne avec la grâce de Dieu.
Notes de retraite, Juillet-Août 1816, E.O. XV n 139
Comme il l’est lui-même, les notes d’Eugène de Mazenod sont d’une clarté telle que nous pouvons suivre pour ainsi dire pas à pas un cheminement qu’une période de repos favorise.
C’est un fait établi. La prise de conscience de la miséricorde de Dieu ne lui fait pas oublier sa condition d’homme pécheur. Mais, loin d’être l’objet de cogitations aussi stériles que débilitantes, ces mêmes fautes l’orientent décidément vers l’analyse qui va lui permettre de découvrir leur impact sur son ministère.
En tout premier lieu, foin de toute humilité paralysante ! Eugène fait le constat bien net de se trouver là où Dieu le demande. « J’ai reconnu aujourd’hui que je ne m’étais pas trompé et que déjà quelque bien s’est opéré par mon ministère »… Tandis qu’il comprend que son peu de « docilité à la voix intérieure » a contribué à minimiser les effets bénéfiques de son travail apostolique.
Comme beaucoup d’entre nous, saint Eugène s’est trouvé confronté à l’éternel dilemme « du faire » et de «l’être »… Et comme beaucoup d’entre nous également il a accordé une trop grande priorité à l’un et manqué de temps pour l’autre. Avec la meilleure bonne foi qui soit, mais aussi avec une précipitation qui n’a laissé que peu de place à la prière, celle qui nous permet de mettre notre âme à nu devant le Seigneur et de considérer notre mission dans une perspective plus juste et raisonnable.
C’est vers cette direction qu’il se propose d’avancer désormais « avec la grâce de Dieu ».