Continuant à enseigner à ses jeunes ouailles comment devenir forts au milieu des influences négatives, Eugène fait allusion à l’atmosphère destructive et pleine de scandale de quelques secteurs de la ‘société’ d’Aix:
Lorsque les associés seront dans le monde, et surtout lorsque, obligés par les devoirs ou les convenances de leur état, ils se trouveront dans ces sociétés bruyantes ou les scandales fourmillent…
Il leur montre l’attitude qu’ils devraient avoir de façon à grandir et à ne pas être indûment influencés:
… se mettant fréquemment en la sainte présence de Dieu, ils lui feront l’offrande de toutes leurs affections, en réparation des outrages qu’il reçoit de tant d’ingrats, pour lesquels, pourtant, il a versé tout son sang;
ils feront aussi de fréquentes aspirations vers lui, pour éviter que l’air contagieux qu’ils sont obligés de respirer ne refroidisse ou n’éteigne même le feu de la charité qui doit constamment brûler dans leurs âmes.
Règlements et Statuts de la Congrégation de la Jeunesse, 1813, p. 21
Depuis la propre expérience de conversion d’Eugène, il avait appris à regarder les autres comme des personnes pour lesquelles Jésus avait versé tout son sang. Son ministère comme missionnaire consistait à rendre ces personnes conscientes de cette réalité porteuse de vie. Pour les Chrétiens, la clé de la justice se trouve dans cette attitude.
« Une fois que vous remplacez des pensées négatives par des positives, vous allez commencer à avoir des résultats positifs. » W. Nelson
C’est tout aussi évident pour nous, chrétiens de 2012 que ce l’était pour les jeunes Congréganiste du 19ième siècle. On ne peut jouer à l’autruche. Pour éviter les pièges, il faut apprendre à les détecter. Pas toujours facile quand on sait qu’ils se cachent souvent sous l’apparence de plaisirs à première vue inoffensifs.
Ce n’est pas du négativisme que de reconnaître qu’il existe des « sociétés bruyantes où les scandales fourmillent… ». C’est de la lucidité, c’est voir tel qu’il est notre monde de 2012, dont, même le voudrions-nous, nous ne pouvons nous désolidariser.
Il y a bien des années, une station de radio sortait un slogan qui avait fait mouche. ‘Tout le monde le fait, fais-le donc !’ On s’est mis à l’entendre partout, avec un sens bien plus vaste que de syntoniser la station en question.
Invitant bien sûr de profiter de tant de plaisirs largement offerts, de se sentir en commun accord avec tout le monde, de faire taire la petite voix si discrète de notre conscience ‘Tout le monde le fait, fais-le donc !’ Tellement bon de se laisser aller à des ‘petites distractions’ en apparence inoffensives qui mettent un peu de piment dans la vie… Et qui, insidieusement, peuvent conduire à une confortable indifférence si on n’y prend garde.
Eugène de Mazenod n’exagérait pas en recommandant aux Congréganistes de demeurer en garde « pour éviter que l’air contagieux qu’ils sont obligés de respirer ne refroidisse ou n’éteigne même le feu de la charité qui doit constamment brûler dans leurs âmes ».
« Veillez et priez » nous rappelle Jésus. (Luc 21:36) Comment prier en 2012, alors que tant de choses nous invitent au mouvement, au bruit, au culte du moment présent, à la jouissance à tout prix ?
La prière c’est bien sûr ce temps que nous prenons pour nous retrouver face à nous-mêmes, face à notre Dieu. Mais n’est-ce pas avant tout une vie à saveur d’Évangile, une vie ‘en esprit et en vérité’ (Jn 4 :23) où il nous faut éviter les compromissions ? N’est-ce pas aussi le sentiment de malaise qui nous envahit lorsque nous prenons conscience d’avoir quelque peu lâchement tenté d’occulter notre appartenance au Christ ? N’est-ce pas aussi cette paix retrouvée dans le pardon de Dieu toujours offert?
La prière, finalement, n’est-elle pas cette relation à Dieu que nous avons à transmettre ? Parfois au détriment de notre popularité et au risque d’encourir regards moqueurs et paroles désobligeantes… Mais le Royaume est à ce prix.